“Echos-Reflets”
Il est toujours réducteur de parler de son propre travail, en effet c’est l’œuvre elle-même qui a toujours le dernier mot et le spectateur ne peut qu’en retirer ce qu’il ressent devant elle. Pour citer le musicien Giacinto Scelsi, l’artiste « est le facteur qui reçoit des messages à porter et les fait parvenir à son destinataire ».
Le thème de l’exposition est « échos-reflets ». Dans la narration des « Métamorphoses » d’Ovide, Narcisse refuse l’amour d’Echo et tandis qu’il se regarde dans l’eau, s’éprend de sa propre image, reflétée à la surface, sans pouvoir cependant la posséder.
Or, dans la série de visages que j’ai réalisée, ces visages ont perdu cette vanité. Il n’y a plus trace d’identité, ni de caractère, ni d’émotion, ni de sentiment, ce n’est pas le portrait qui se contemple et se complait de sa propre image. C’est un visage creusé dans la mémoire de l’humanité, c’est l’essence même du visage, une image qui se dissout dans les sédiments stratifiés de la matière et de la mémoire. Un processus d’archéologie du visage. Il ne peut se regarder reflété dans l’eau parce qu’il a été dépouillé de sa beauté éphémère, évidé jusqu’à la disparition de son propre ego, pour se cristalliser finalement dans une dimension intemporelle de pure lumière – forme – couleur.
C’est donc un parcours à reculons que le mien ; en faisant le vide, je retrouve à rebours une expérience primordiale.
Pour conclure, je voudrais citer cette phrase écrite par un de mes collègues et qui illustre un aspect actuel du mythe de Narcisse : « dans la course aux miroirs, dans le jeu « onaniste » de se voir soi-même regardé par d’autres « soi », Narcisse n’aurait pas été pris par le miroir de l’eau, ayant trop de « soi » à tenir à distance ».
Giusto Pilan